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Témoignage

Judith, 36 ans, ingénieur d'études à l'INSERM

Je suis devenue diabétique au milieu de mon année de troisième, l’année des premiers choix d’orientation, en pleine adolescence. Jamais je n’ai pensé à cette époque (et encore maintenant) que mon diabète pouvait être un frein dans ma vie professionnelle et personnelle, et avec le recul cela m’a sûrement bien aidé.

A 14 ans, j’étais (et je reste) une scientifique pure, je voulais déjà étudier les sciences, mais lesquelles ? La chimie et la biologie avaient mes préférences. Jusqu’au bac j’ai hésité, je ne savais pas sous quelle forme, mais je voulais comprendre, je me suis donc engagée dans une première année d’études médicales qui ne m’a absolument pas intéressée car je devais apprendre sans avoir le temps de comprendre et d’approfondir. Et, dès le milieu de l’année scolaire je savais que j’irais en fac de biologie. C’est ce que je fis avec plaisir, pendant 5 ans, avec un cursus spécialisé en biochimie (finalement mes premiers choix d’adolescente étaient les bons).

 

Pendant mes études, j’ai effectué des stages de recherche dans des laboratoires et mon premier dilemme est apparu: recherche sur le diabète ou pas ? Au départ, je ne le souhaitais pas, j’ai donc commencé par travailler sur les rosiers (bien loin du diabète!). Au moment de mon choix de DEA, le diabète m’est revenu à l’esprit. En tant que diabétique je n’étais pas sûre de réussir à prendre assez de recul donc je suis partie vers une thématique très éloignée: la dent humaine.

Tout au long de mes études, mon diabète n’était pas bien équilibré : hypoglycémies en examen, en plein stage en laboratoire ...et ma peur des hyperglycémies (et des complications liées surtout) ne m’a pas toujours aidée. A la fin de mes études, j’ai décidé de passer sous pompe afin d’avoir encore moins de contraintes et surtout pour avoir une plus grande liberté (avant de débuter ma carrière professionnelle). Ce fût le meilleur choix médical que j’ai fait !

 

Une fois mon diplôme en poche j’ai galéré… mais j’ai fini par décrocher un CDD en 2006 de quelques mois (qui a finalement duré 5 ans) dans un laboratoire de l’ENS (Ecole Normale Supérieure) travaillant sur le virus de l’hépatite C. Au bout de 2 jours à mon poste, j’ai annoncé à mes collègues que j’étais diabétique (je n’ai jamais voulu cacher ma maladie et dans mon boulot c’est trop dangereux pour moi mais également pour mes collègues). J’ai expliqué, mais c’est facile d’expliquer à des biologistes, ils ont tous une formation sur le fonctionnement du corps humain même s’ils ont aussi des préjugés, et j’ai espéré que mon diabète ne me joue pas de mauvais tour. Malgré les hypoglycémies au boulot, la grossesse diabétique au milieu, je n’ai jamais eu aucune difficulté pour continuer mes CDD, preuve pour moi que mon diabète n’est pas ma principale « caractéristique » même s’il faut en tenir compte.

 

En décembre 2010, j’ai obtenu un poste d’ingénieur d’études à l’INSERM (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale) dans un laboratoire de virologie. Je travaille sur des échantillons biologiques de patients (atteints par différents virus, hépatite, sida ...), j’essaie de comprendre pourquoi certains patients deviennent résistants à leur traitement, comment développer de nouveaux traitements en approfondissant le fonctionnement des virus.  Et lors de ces expériences, ma glycémie est un paramètre indispensable pour savoir si je peux ou non travailler. Dans mon équipe, mes collègues sentent mes hypoglycémies avant moi, prennent mon relais pour que je ne rate pas mon expérience et que je me ressucre tranquillement. Je sais que c’est une chance extraordinaire que de pouvoir compter sur ses collègues dans ce genre de cas. J’adore mon boulot!

 

Et parfois je croise la route du diabète, en lisant une publication, un communiqué de presse, en allant à une conférence sur les avancées de la recherche dans ce domaine, je suis privilégiée car j’ai beaucoup d’informations mais aujourd’hui je pense avoir assez de recul pour savoir que les avancées énormes que je lis ou entends ne sont pas pour les patients, pas dans les mois à venir, et pourtant la science avance, parfois même beaucoup ! J’aime comprendre toujours plus ma maladie sans jamais rêver à une guérison, et c’est «grâce» à ce diabète que je suis la professionnelle que je suis aujourd’hui, et ça je ne le regrette pas.
 

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