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Generalissime !

12/09/2016
L’assureur Generali vient de lancer en France un programme baptisé Vitaly, proposé aux personnes qu’il couvre dans le cadre d’un contrat de groupe de complémentaire santé ou de prévoyance, et qui se propose de les « inciter à améliorer leur santé ». Si l’idée peut sembler « séduisante » au premier abord, elle ne va pas sans susciter de lourdes interrogations tant au niveau des modalités proposées par Generali que du principe même que ce type d’approche peut poser si elle en venait à modifier le cadre légal protecteur qui existe en France en matière de complémentaires santé et de prévoyance.

Une « fidélisation client » plutôt qu’un accompagnement en santé


Proposer l’accès à des produits (achat de fruits et légumes) et services (abonnement de sport ou à des programmes de remise en forme) dans le cadre d’offres négociées avec des partenaires commerciaux n’a rien de très novateur, c’est ce que propose n’importe quelle carte de fidélisation dans la grande distribution par exemple. Plus étrange, la « carotte » pour motiver l’assuré à recourir à ces offres n’a plus aucun lien avec la santé : réductions auprès d’une agence de voyages ou d’une plateforme de cadeaux
en ligne. Cherche-t-on réellement à motiver et accompagner les changements de comportement de ceux qui en ont besoin, ou à gratifier ceux qui n’ont pas de difficultés à se conformer aux standards de prévention ?

Un creusement des inégalités de santé


Sous couvert de favoriser une approche qui incite les personnes à adopter des comportements globalement reconnus comme bénéfiques pour leur santé, une telle démarche risque de creuser les inégalités de santé en laissant de côté ceux qui auraient le plus besoin d’être réellement accompagnés pour faire évoluer progressivement leur comportement. Mais cela nécessiterait indiscutablement beaucoup plus de travail et d’implication de la part des services de l’assureur complémentaire que le simple fait de négocier des offres à tarif préférentiel avec quelques partenaires identifiés. En outre, on sait déjà que les contrats individuels onéreux financent les contrats collectifs aux tarifs attractifs : les plus exposés aux risques (notamment les personnes retraitées qui ne peuvent être couvertes que par les contrats individuels) vont donc, encore plus, financer le train de vie sanitaire des plus favorisés.

Des données personnelles à vendre

 


Collecter des données personnelles avec l’assentiment de la personne adhérente au programme Vitaly, sans pouvoir légalement dans le cadre des contrats collectifs moduler les cotisations en fonction de l’état de santé, devrait résonner comme une alerte sur les données de santé. On n’a encore jamais vu un assureur collecter des données pour ne rien en faire ! C’est donc qu’elles seront probablement revendues aux partenaires du programme Vitaly et à bien d’autres assurément. D’ailleurs, encore plus problématique : l’employeur pourrait accéder aux données anonymisées concernant leurs salariés. De quel droit ? Pour quoi faire ? Au bénéfice de qui ? Maintenant que l’alerte a été donnée, il est urgent que la CNIL se saisisse de ce cas d’espèce.

Préserver l’encadrement légal protecteur des contrats de complémentaire santé


Les assureurs proposant des contrats de complémentaires santé solidaires (plus de 90 % des contrats en France) sont soumis à l’interdiction de sélectionner leurs souscripteurs, ou de leur proposer des modulations de tarifs, en fonction de leur état de santé. Cette interdiction doit absolument être préservée et renforcée puisqu’elle constitue une garantie essentielle contre les excès d’une approche trop individualiste de l’assurance santé. Il faut en effet rappeler à chaque cotisant à une complémentaire santé qu’un des principes originels de l’assurance en la matière consiste à permettre une mutualisation du risque. Sélectionner le risque en gardant les prétendus « bons assurés » d’un côté et rejetant ceux perçus comme les « mauvais assurés » de l’autre fait craindre que chacun se trouve, à un moment ou à un autre, du côté des exclus lorsqu’il a justement besoin de recourir à son assurance. Le risque santé n’est heureusement pas prévisible à ce point et n’obéit pas qu’à des algorithmes ou à des statistiques, en tout cas certainement pas aussi bien que dans le cadre du risque automobile par exemple !

Une bataille industrielle


Dans le monde de l’assurance complémentaire où il s’agit maintenant d’avoir le plus gros portefeuille d’assurés, Generali tente sans doute un coup pour attirer de nouveaux clients, sans avantage tarifaire : les prix ne seront pas plus bas. Autant que pour fidéliser des clientèles devenues maintenant très volatiles : elles seront moins tentées d’aller voir ailleurs puisqu’elles perdront leur « cher » programme Vitaly.

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